Décembre 2018.
Tu as arrêté la voiture sur le bord de cette piste. Le moteur coupé, tu te remplis du paysage. Le désert. Cela pourrait être en Afrique… ou au Proche Orient. Des lieux qui ont traversé tes jeunes années.
Silhouettes taillées par le vent et les écoulements. Sous les vibrations du soleil, elles semblent danser dans leurs robes… Tu charges du film dans ton vieux Rolleiflex. Comme par réflexe, pour essayer de retenir l’émotion, cette mélodie qui ne te quitte jamais. Cante jondo. Une piste. Quelque part en Espagne.
Tu dis que tu n’aimes pas beaucoup la photographie numérique. Tu l'utilises pourtant, parfois. Parce que c'est l'outil de l'époque et que tu es curieux. L'image numérique t’apparaît trop “synthétique“, trop “parfaite“… intimidante. Elle te semble, sans doute, adaptée à certains sujets. Mais ce ne sont pas les tiens, ou pas encore… peut-être un jour, ou une heure, quand ta mémoire te laissera tranquille.
Tu aimes la terre et le sable, et les grains qui râpent et qui glissent entre les doigts. Tu aimes le film, la fine plage de sels photosensibles. Pas juste des lignes de code ! Tu penses que la pellicule fait le lien, sans hiatus, entre le sujet et “l’objet photographie“… entre passé et souvenir. Tu dis qu’elle est comme une poignée de terre lancée dans l'éclat du soleil, au Levant.
Et tu dis aussi que faire des photographies, c’est chercher, à cet instant précis où une sorte d'harmonie s’organise dans ton viseur ; quand les réglages sont assurés et que tu vas presser le déclencheur, une forme de plénitude. Alignement du passé en train de se faire, de la mémoire à la surface et de l’imprévisible. En cette fraction de seconde d’apnée, il te semble avoir trouvé une place…
“Par la composition, la balance des contrastes, le choix et la contrainte des formats et des papiers… Par la simplicité apparente née de l’organisation des lignes et des masses… Je n’ai pas d’autre projet que de faire de cette surface plane, imprimée ou insolée, un joli bout de matière à partager (si j’ai de la chance !)“